Place, intérêt et danger des produits phytosanitaires : les pesticides

Docteur Christophe de JAEGER

Institut de médecine et physiologie de la longévité – IDJ – PARIS
Publié le 20 décembre 2017

Généralités sur les pesticides

Les questions environnementales sont aujourd’hui au cœur du débat sociétal. Autrefois limité à quelques associations de défense de l’environnement et certains scientifiques, l’impact écologique des activités humaines est devenu une préoccupation majeure de notre société occidentale.  Cette prise de conscience se décline en diverses formules : biodiversité, développement durable, énergies renouvelables, gestion des déchets, principe de précaution… La question de l’utilisation des produits phyto-pharmaceutiques, de leur dissémination dans l’environnement, et de leurs effets sur la santé humaine préoccupe désormais notre société.

La publication, en 2007, du rapport du professeur Dominique Belpomme, médecin cancérologue, dénonçant la contamination des Antilles françaises par la chlordécone, un insecticide persistant utilisé entre 1972 et 1993 (date de son interdiction à la vente) pour détruire les charançons du bananier, a provoqué une réelle inquiétude dans l’opinion publique et suscité des réactions assez vives dans la communauté scientifique et la classe politique.

Le risque lié à l’exposition aux pesticides est désormais devenu un sujet de préoccupation des Français. D’autant que la France figure en mauvaise position dans le palmarès établi par l’Union Européenne pour les valeurs connues de manière réglementaire, pour les tonnages utilisés, et pour les teneurs mesurées dans les aliments.

Ainsi, la France reste une grande consommatrice de pesticides : 3ème consommateur mondial (derrière les Etats-Unis et le Japon) et premier utilisateur en Europe. Ces pesticides sont utilisés à 90 % par l’agriculture (Rapport d’Information sur les Pesticides par la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, Présenté par le député, Mr Alain Gest, N ° 1702, à l’Assemblée Nationale le 02 juin 2009) (1).

La présence et la persistance de ces produits phytosanitaires (et/ou de leurs résidus) dans nos sols, nappes phréatiques, cycle alimentaire, et finalement pour un certain nombre, dans nos assiettes, inquiétaient depuis longtemps la communauté scientifique ; mais les preuves de leur nocivité pour la santé humaine commencent à s’accumuler (1-6).

Ainsi, selon l'InVS, et les analyses faites en 2006-2007 chez 3 100 personnes dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS), le sang d'un Français moyen contient presque toujours des pesticides organophosphorés et trois fois plus de certains pesticides (pyréthrinoïdes, paradichlorobenzène) que celui des Américains ou des Allemands, alors que leur taux sanguin de métaux lourds et de pesticides organochlorés est comparable aux concentrations observées à l’étranger (Rapport InVS de mars 2011 : http://invs.santepubliquefrance.fr/Espace-presse/Communiques-de-presse/2013/Exposition-de-la-population-francaise-aux-pesticides-et-PCB-NDL).

Le rapport d’information sénatorial fait au nom de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement présenté par Mme Nicole BONNEFOY, à la séance du Sénat du 10 octobre 2012 a pointé la dangerosité de ces produits. Au terme de sept mois de travaux, la mission dressait cinq constats : 1) les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. 2) L’autorisation de mise sur le marché (AMM) des pesticides, ne permet pas un suivi à long terme de leurs impacts sanitaires réels nécessitant une amélioration des procédures et du suivi post-AMM. 3) les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques. 4) Les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas suffisamment la préoccupation de l'innocuité pour la santé du recours aux pesticides. 5)  Le plan Ecophyto 2018, qui prévoit de réduire de 50 % la quantité de pesticides utilisés en France à l'horizon 2018, doit être renforcé. En effet, quatre ans après son lancement, l’usage de pesticides avait augmenté au lieu de se réduire (Rapport du sénat sur les Pesticides, séance du 10 octobre 2012, https://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-042-1-notice.html). Une baisse de la consommation des pesticides dans le cadre du programme Ecophyto a commencé à s’amorcer courant 2016. Le rapport proposait de nombreuses recommandations pour lutter contre les dangers de ces produits.
 

  1. LES PRINCIPAUX PRODUITS UTILISES

Du latin, Pestis (fléau) et Caedere (tuer), le terme pesticide regroupe de nombreuses substances très variées agissant sur des organismes vivants (insectes, vertébrés, vers, plantes, champignons, bactéries) pour les détruire, les contrôler ou les repousser.

Il existe une très grande hétérogénéité de pesticides (environ 1 000 substances actives ont déjà été mises sur le marché, entre hier et aujourd’hui, actuellement 309 substances phytopharmaceutiques sont autorisées en France). Ils divergent selon leurs cibles, leurs modes d’actions, leurs classe chimiques ou encore leur persistance dans l’environnement.

–  Cibles : on distingue les herbicides, les fongicides, les insecticides…

– Il existe près de 100 familles chimiques de pesticides : organophosphorés, organochlorés, carbamates, pyréthrinoïdes, triazines…

– Il existe près de 10 000 formulations commerciales composées de la matière active et d’adjuvants et qui se présentent sous différentes formes (liquides, solides : granulés, poudres,…..).

– La rémanence des pesticides dans l’environnement peut varier de quelques heures ou jours à plusieurs années. Ils sont transformés ou dégradés en nombreux métabolites. Certains, comme les organochlorés persistent pendant des années dans l’environnement et se retrouvent dans la chaine alimentaire.

Dans l’expertise, le terme pesticide représente l’ensemble des substances actives, indépendamment des définitions réglementaires.

Les termes "pesticides " et " phytosanitaires " ne regroupent pas exactement les mêmes produits. Il semble donc utile, à titre liminaire, de rappeler quelques définitions (2) :

Pesticide : est ainsi appelée toute substance chimique ou biologique, destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs et les espèces indésirables de plantes ou d'animaux causant des dommages aux denrées alimentaires, aux produits agricoles, au bois et aux produits ligneux, ou des aliments pour animaux. On y inclut également les régulateurs de croissance des plantes, les défoliants, les dessicants, les agents réduisant le nombre de fruits ou évitant leur chute précoce, et les substances utilisées avant ou après récolte, pour empêcher la détérioration des denrées alimentaires pendant leur stockage ou leur transport.

Produit phytopharmaceutique : ce terme désigne plus spécifiquement les utilisations végétales des pesticides (agricoles et non agricoles, comme dans les jardins, voiries, voies ferrées, ou les espaces verts des communes). Il en existe principalement trois catégories : les herbicides (pour lutter contre les mauvaises herbes), les fongicides (pour lutter contre les champignons) et les insecticides (pour lutter contre les insectes). L’article L. 253-1 du code rural y inclut également les produits ayant une action sur les rongeurs (rodonticides), sur les escargots et les limaces (molluscicides), mais aussi les produits contenant des OGM ayant pour fonction de détruire les espèces indésirables.

Produit phytosanitaire : cette notion désigne les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants destinés à en améliorer les conditions d’utilisation.

 - Produit biocide : substance active destinée à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles pour l’homme, dans les secteurs non agricoles, par exemple dans des applications comme la conservation du bois, la désinfection ou certains usages domestiques. Les biocides sont soumis à une réglementation spécifique.

- Polluants Organiques Persistants (POP) : substances chimiques qui perdurent dans l’environnement, s’accumulent dans les tissus des organismes vivants et présentent des risques pour la santé humaine. Ils font l’objet d’un programme de surveillance mondial par l’ONU.

Un pesticide commercialisé se compose d’une ou de plusieurs substances ou matières actives (que sont les molécules disposant des propriétés phytosanitaires requises), d’adjuvants destinés à accompagner les effets des substances actives, d’une charge inerte qui peut être de l’argile ou de la cellulose.

A ce titre, les pesticides sont également regroupés en fonction de leurs composants actifs : organochlorés (DDT, lindane...), triazines (atrazine, simazine...), acétamides (acetochlore, alachlore...),…

Les pesticides organochlorés sont des dérivés chlorés d’hydrocarbures cycliques et/ou aromatiques, ils sont parmi les plus anciens et les plus persistants (ex. DDT). Ils sont surtout utilisés comme insecticides en agriculture et dans les métiers du bois. Ils ont une action sur le système nerveux central.

Les pesticides organophosphorés sont des dérivés de molécules de phosphore, essentiellement utilisés comme insecticides. Leur action ne se prolonge pas dans le temps. Ce sont des neurotoxiques.

Le terme « pesticide » sert souvent à désigner le produit commercial ou bien seulement la ou les substances actives.

Ces différents produits phytosanitaires et pesticides sont en grande majorité à usage agricole, pour protéger les cultures ou détruire les indésirables. Ils sont cependant également utilisés pour un usage non agricole (voiries, voies ferrées, espaces verts, jardins…). Ils peuvent alors changer de dénomination. Ainsi, un insecticide est donc un pesticide, qualifié soit de produit phytosanitaire lorsqu’il est utilisé sur du blé soit de biocide lorsqu’il est utilisé sur du bois de charpente (1-3). Les pesticides les plus vendus ont comme principe actif le soufre ou le glyphosate.

De la même manière, il est utile de définir :

  • Substance active : Ce sont les substances ou micro-organismes, y compris les virus, exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux. L’agriculture française en utilise environ 500. Ces matières actives entrent dans la composition des plus de 8.800 produits commercialisés. Ceux-ci bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par le ministre chargé de l’agriculture, après une procédure d’évaluation du risque pour le consommateur, l’utilisateur et l’environnement.
  • Résidus de pesticides : désignent une ou plusieurs substances présentes dans les végétaux, les produits comestibles d'origine animale ou ailleurs dans l'environnement constituant le reliquat de l'emploi d'un pesticide ou d’un produit phytosanitaire, y compris ses métabolites issus de la dégradation. On parle globalement de résidus de pesticides car au stade des résidus, il est impossible de distinguer un produit phytosanitaire d’un produit biocide.
  • Substance « très préoccupante » : utilisé dans le cadre des discussions du Grenelle de l’environnement, ce terme renvoie à la classification établie au niveau communautaire par le système REACH (établissant un cadre réglementaire de gestion des substances chimiques). Alors que la majorité des substances entrant dans le champ d’application de REACH sont soumises à enregistrement, les substances dites « très préoccupantes » sont soumises à autorisation de la Commission européenne. On distingue :

o les CMR (substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) de catégorie 1, 2 ou 3 ;

o les PBT (substances persistantes, bioaccumulables et toxiques) ;

o les vPvB (Very Persistent, very Bioaccumulativ) (substances très persistantes et très bioaccumulables) ;

Certaines substances préoccupantes ont des effets graves et irréversibles sur l’être humain et l’environnement, telles que les perturbateurs endocriniens (cf article sur les pesticides, santé et longévité).

Conformément au règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement et du Conseil du 23 février 2005, tous les aliments destinés à la consommation humaine ou animale dans l’Union européenne sont désormais soumis à une limite maximale de résidus de pesticides (LMR) dans leur composition, par type de produit. À défaut, une teneur maximale est fixée à 0,01 mg/kg. Depuis 2006, le contrôle de ces LMR est dévolu à l’Observatoire des résidus de pesticides, géré par l’AFSSET (Agence Française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail). Toutefois ces normes ne reposent pas sur des études scientifiques à long terme permettant de juger ou non de leur toxicité cumulée sur la santé ; et il est possible que ces normes soient insuffisantes pour prévenir un effet grave à long terme chez l’humain, surtout dans un contexte d’effet « cocktail », résultant de l’exposition prolongée et conjuguée à ces pesticides et produits phytosanitaires, qui pourraient augmenter le risque de développement de cancers, troubles de la reproduction, malformations génitales et maladies neurologiques.
 

  1. À QUOI SERVENT LES PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Les produits phytosanitaires ont des rôles multiples dans la production agricole. Utilisés depuis la Grèce antique (Soufre, Arsenic), les pesticides ont constitué un progrès considérable dans la maîtrise des ressources alimentaires. Ils ont grandement contribué à l’amélioration de la santé publique en permettant, d’une part, d’éradiquer ou de limiter la propagation de maladies parasitaires meurtrières (lutte contre les insectes, vecteurs de ces maladies) et en garantissant, d’autre part, une production alimentaire de qualité. Cependant, tirant profit des avancées de la chimie organique de synthèse dans le courant du XXème siècle, des insecticides très efficaces et peu coûteux ont été développés et utilisés à grande échelle, sans réelle évaluation de leur emploi sur la santé.

L’utilisation des produits phytosanitaires a pour buts :

- la protection des végétaux ou produits végétaux contre les organismes nuisibles (insectes, champignons, etc.) ;

- la destruction des végétaux (en tout ou partie) importuns ;

- la prévention de la croissance indésirable de végétaux (en exerçant une action sur leur processus vital : régulateurs de croissance) ;

- la conservation des produits végétaux (produits appliqués sur les fruits et légumes pour freiner leur décomposition).
 

  1. Protéger les cultures de nombreuses espèces nuisibles

Dans la nature, de nombreuses agressions peuvent gêner ou empêcher le bon développement des plantes et des cultures d’origine humaine : insectes ravageurs, maladies (champignons, bactéries, virus), mauvaises herbes… Les produits phytopharmaceutiques ont pour rôle de protéger les cultures et productions agricoles contre les organismes nuisibles.

Les pesticides (3) regroupent plus de 900 matières actives qui rentrent dans la composition de 8.800 spécialités commerciales. Ces substances sont classées selon leur mode d’action principal, permettant de définir plusieurs catégories :

  • les insecticides éliminent les insectes nuisibles (pucerons) ;
  • les fongicides luttent contre les champignons pathogènes (oïdium, rouille...) ;
  • les herbicides combattent les mauvaises herbes (ortie, chiendent, morelle, vulpin, ambroisie à feuille d'armoise...).

Il existe d’autres produits spécifiques :

  • les nématicides : contre les nématodes (pullulent dans le sol et s’attaquent aux racines des cultures) ;
  • les acaricides : contre les acariens, les larves et les oeufs d’acariens ;
  • les rodonticides : pour tuer les rongeurs : rats, souris . . .;
  • les nématicides (pour tuer les nématodes),
  • les corvicides contre les oiseaux,      
  • les algicides, utilisés contre les algues dans les lacs, canaux, piscines, réservoirs d'eau, etc. ;

-          les molluscicides, qui tuent les limaces et les escargots (ou les éloignent dans le cas de répulsifs) ; dont les hélicides qui sont spécifiques des escargots ;

-          les dessicants et les défoliants qui détruisent les feuillages des plantes ;

-          . . .
 

  1. Assurer des récoltes régulières dans le temps

Les pesticides protègent les récoltes contre les maladies (champignons…), les insectes et les mauvaises herbes. Ces agressions, susceptibles de survenir à chaque étape de la culture, nuisent à la production et à la qualité des récoltes. Leur utilisation a permis d’assurer une plus grande régularité des récoltes. A ce jour, ne pas utiliser de pesticides amènera nécessairement à une baisse massive des rendements, avec le risque d’une production insuffisante pour les besoins mondiaux et les conséquences économiques qui risquent d’en résulter (augmentation massive des prix pour le consommateur). Même l’agriculture dite biologique utilise largement certains produits à cette fin de rendement et ceux-ci ne sont pas moins agressifs pour la santé que ceux utilisés par l’agriculture classique.

 

  1. Maintenir une certaine qualité des aliments

L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contribue à récolter des produits bons et appétissants, qui évitent certaines allergies ou intoxications à l’homme. Le corollaire sur leur innocuité chez l’homme fait cependant grandement débat.

Ainsi, l’absence complète d’utilisation de pesticides entraînerait des pertes de plus de 40 % au moment des récoltes, des cultures de blé non traitées. Cependant, si l’intérêt des produits phytosanitaires dans l’agriculture est indéniable, leur utilisation excessive, leurs effets sanitaires et environnementaux nocifs, conjugués à l’absence d’intérêt par les filaires agricoles de développement d’alternatives moins nocives ; et les enjeux économiques énormes, posent un problème d’ordre sociétal.

 

  1. Rôle sanitaire à grande échelle

Il faut rappeler que l’évaluation de la balance bénéfices-risques peut évoluer dans le temps et selon que l’on parle de population ou d’individus. Le DDT a longtemps été considéré comme un produit miracle avant d’être remis en cause dans les années 1970 en raison de sa persistance dans l’environnement et de ses effets délétères sur des organismes vivants. Or le DDT permet de combattre efficacement le moustique, vecteur du paludisme responsable en moyenne d’un million de morts par an. De ce fait, l’OMS a préconisé en septembre 2006 l’utilisation raisonnée du DDT de manière à réduire le nombre de décès dus au paludisme en recommandant sa vaporisation à l’intérieur des maisons non seulement dans les zones touchées par l’épidémie, mais aussi dans certaines régions à haut risques situées notamment en Afrique.

L’indécision dans la lutte contre les moustiques vecteurs de chikungunya a été en partie responsable d’une situation sanitaire très préoccupante à la Réunion il y a quelques années. Il a été tardivement décidé d’utiliser des insecticides de type organophosphoré (matière active téméphos) ou à base de pyréthrinoïdes (principalement la deltaméthrine) et des moyens biologiques comme le Bacillus thuringiensis israeliensis.

 

  1. LA FRANCE RESTE UN GRAND PAYS CONSOMMATEUR DE PESTICIDES

La France reste une grande consommatrice de pesticides, puisqu’elle est le 3ème consommateur mondial (derrière les Etats-Unis et le Japon) et le premier utilisateur en Europe (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail. Plan interministériel de la réduction des risques liés aux pesticides 2006-2009. 2006) (7). Cette consommation augmente régulièrement en France, malgré le plan Ecophyto de réduction de l'usage des pesticides lancé par le Grenelle de l'environnement en 2008.

Les fongicides représentent 49 % du volume, les herbicides 34 % et les insecticides 3 % (les produits divers représentent 14 %). Ces pesticides sont utilisés à 90 % par l’agriculture. Un nombre restreint de cultures (céréales à paille, maïs, colza et vigne), qui occupent moins de 40 % de la SAU, représentent 80 % des pesticides utilisés en France.

En moyenne nationale, le volume de produits phytosanitaires vendu par hectare cultivé est de 4,3 kg (1).

En France, environ 90 % des 78 600 tonnes des substances actives vendues en 2008 l’ont été pour des usages agricoles et 10 % pour les usages non agricoles (entretien des infrastructures routières et ferroviaires, des espaces verts, des trottoirs, jardinage, traitement des locaux…). Quelques productions apparaissent très consommatrices de pesticides : l’arboriculture fruitière et la vigne par l’intensité des applications, les cultures maraîchères par leur grande fragilité, les céréales et le colza par l’étendue des surfaces concernées.

En termes de santé, le risque de contamination par les pesticides utilisés en agriculture, est évalué à partir de plusieurs critères : la dose appliquée à l’hectare, la solubilité dans l’eau, la durée de demi-vie dans le sol, et le coefficient d'absorption de carbone organique.

 

IV)  PRESENCE DE PESTICIDES DANS LENVIRONNEMENT ET LALIMENTATION

La présence de pesticides dans notre environnement et notre alimentation est d’origine multiple et complexe.  Aux expositions agricoles, très majoritaires, s’ajoutent des expositions dans d’autres secteurs: l’entretien des espaces verts et des terrains de sport, des jardins, le désherbage des accotements des routes, des voies ferrées, des zones industrielles, le traitement contre toutes sortes de nuisibles du bois dans les exploitations forestières (termites et autres parasites) ou dans les habitations, les jardins privés, les soins vétérinaires aux animaux d’élevage ou domestiques (antiparasitaires et insecticides) . . .

Par la suite, plusieurs phénomènes contrôlent le devenir des pesticides dans l’environnement : transfert vers l’atmosphère, transfert vers les eaux de surface et dans les sols vers les eaux profondes et les nappes phréatiques, puis rétention dans les sols et enfin, dégradation physique ou biologique et persistance après une durée plus ou moins longue.

De ce fait, les pesticides et résidus de pesticides sont présents dans tous les compartiments de l’environnement pour l’être humain ; air intérieur et extérieur, poussières dans les habitations, eau de consommation, aliments.

 

1) Présence dans les milieux aquatiques et les eaux de surface :

Les pesticides sont présents dans les eaux de surface, les eaux de pluie et de sous-sol. Les exemples de contamination des eaux sont nombreux (1-3, 5, 6).

L’Institut français de l’environnement (IFEN) réalise depuis 1998 une synthèse annuelle des données concernant la contamination des eaux par les pesticides, grâce aux actions de contrôle et de surveillance réalisées par les services de l’Etat, les organismes publics et les collectivités locales.

L’étude de décembre 2007 de l’IFEN montre la présence de pesticides dans 91 % des points de mesures des cours d’eau et dans 55 % des points de mesure des nappes souterraines (1).

Cette étude montre par ailleurs que 36 % des points de mesure en eaux de surface ont une qualité moyenne à mauvaise en termes de produits phytosanitaires. Pour 10 % des points d’observation, les teneurs en pesticides observées « peuvent affecter de manière importante les équilibres écologiques ou ne peuvent permettre l’utilisation de la ressource pour l’approvisionnement en eau potable ». De plus, 25 % des points de mesure en eaux souterraines ont une qualité médiocre à mauvaise. Pour 1 % des points de mesure, les teneurs en pesticides sont supérieures aux normes réglementaires et rendent les eaux impropres pour la production d’eau potable.

Ces mesures traduisent sans conteste une dispersion très importante des pesticides et une présence généralisée dans les milieux aquatiques.

S’agissant des eaux de surface, les cartes font apparaître deux zones plus particulièrement marquantes : le Nord-Pas-de-Calais et l’Île-de-France, à savoir les grandes zones céréalières. Les autres sont surtout constituées du canal rhodanien, de la Vendée et des Deux-Sèvres, ainsi que d’une zone autour de Toulouse. Au total,  235 substances différentes ont été retrouvées dans ces eaux de surface, à l’occasion des tests effectués.

Cependant, même s’ils semblent catastrophiques, on note une tendance vers l’amélioration des teneurs en produits toxiques des eaux en France, avec une amélioration significative par rapport aux chiffres retrouvés par l’IFEN pour l’année 2004 (96 % des points de mesures des cours d’eau pollués par des pesticides en 2004 ; et 61 % des points de mesure des nappes souterraines, avec 49 % des points montrant une qualité moyenne à mauvaise en eau de surface et 27 % des points de mesures en eaux souterraines ayant une qualité médiocre à mauvaise).

Ainsi, en regard de ces critères, l’étude réalisée en Bretagne en 1994, montre les progrès réalisés, avec une pollution par les pesticides quasi systématique à l’époque, de tous les cours d’eau Bretons (5), avec présence notamment lors de cette étude :

• d’ herbicides qui regroupent les triazines (atrazine), les urées substituées (isoproturon, linuron), les amides (alachlore), les phénols (dinoterbe) et les aryloxiacides (mécoprop et 2,4 MCPA) ;

• insecticides : carbamates (carbofuran), organochlorés (lindane) ;

• fongicides : hétérocycles azotées (prochloraze et propiconazol) ;

Sur neuf familles de pesticides recherchées dans les eaux brutes, la même étude de 1994 retenait une situation préoccupante pour la production d’eau alimentaire vis-à-vis des substances suivantes :

• les triazines : atrazine,

• les urées substituées : diuron, isoproturon, néburon, linuron,

• les aryloxyacides : mécoprop,

• les phénols et alcools : dinoterbe,

• les organochlorés : lindane,

• les carbamates : carbofuran,

• les amides : alachlore.

Une prise de conscience collective a permis de réduire très significativement depuis, les teneurs en pesticides des cours d’eau Bretons, même si des progrès sont encore à faire. En effet, la même étude réalisée en juin 2002 montrait des taux quasi similaires.
 

2) Présence dans les eaux de consommation :

Selon l’Observatoire des résidus de pesticides, une campagne d’envergure a été menée sur la période 2001-2003, s’appuyant sur 1,5 million de mesures réalisées à partir de 60 000 prélèvements (6). Selon l’Observatoire, 99 % des mesures réalisées dans les eaux mises en distribution montrent l’absence de pesticides ou une présence de pesticides à des teneurs inférieures à la limite de qualité. Les mesures sur les eaux souterraines de distribution, se sont avérées conformes dans 98,9 % des cas, contre 99,8 % pour les eaux d’origine superficielle.

Au total, 59 pesticides ont été détectés à une teneur supérieure à la limite de qualité au moins une fois entre 2001 et 2003. Seuls 17 de ces pesticides présentent plus de 10 dépassements de la limite de 0,1 microgramme par litre et totalisent 99 % du nombre total de dépassements de la limite de qualité sur cette période.

Ces chiffres témoignent d’une amélioration de la qualité de l’eau de consommation. Ainsi, 95% de la population française a été alimentée en 2006 par une eau dont la qualité respectait en permanence les limites de qualité fixées par la réglementation contre 93,8 % en 2005, 93,2 % en 2004 et 91 % en 2003. Pour l’année 2006, seuls 5 % de la population ont eu accès à une eau dont la qualité ne respectait pas les limites de qualité fixées par la réglementation en termes de teneurs en pesticides, mais les taux mesurés sont restées inférieurs à la valeur sanitaire maximale et/ou ont été observées, pendant moins de trente jours au cours de l’année 2006. Néanmoins, la consommation de l’eau du robinet a dû être restreinte temporairement durant cette année, pour les usages alimentaires dans certaines zones de 19 départements.

Cependant, de nombreuses inconnues demeurent. Tous les produits phytosanitaires ne sont pas nécessairement recherchés et dosés dans ce type d’enquête. Surtout, leurs produits de dégradation, généralement toxique, le sont rarement. Ainsi, une équipe Américaine de l’Iowa (8) a recherché systématiquement les herbicides dans l’eau et les nappes, et ne les a retrouvés qu’épisodiquement, mais leur métabolites étaient eux détectables dans 90% des cas. 

L’eau qui transporte les pesticides sert aussi à irriguer et laver les fruits et légumes. C’est ainsi que le parathion et le diazinon (9) ont pu être retrouvés dans la pulpe de tomate et le jus de carotte et de tomate. Par contre bien que des herbicides aient été présents dans l’eau utilisée par une fromagerie produisant du gorgonzola et de la mozarella, aucune trace n’en a été retrouvée dans le produit fini (10).
 

  1. Pesticides et mer 

La mer et les océans ne semblent épargnés. L’espace de dilution est cependant gigantesque et les pesticides sont difficilement dosables dans l’eau de mer. Cela n’empêche pas les organismes supérieurs situés en fin de chaîne alimentaire de concentrer les toxiques. Ainsi des résidus de pesticides (butylin et phenyltin) ont été mis en évidence dans l’eau de mer de la baie de Chinhae en Corée, et les mêmes composés ont été retrouvés dans les organes reproductifs d’une huître (Crassostrea gigas) de cette  baie (11).

Concernant les poissons, une étude Canadienne (12) a montré qu’un insecticide, le Matacil 1,8 D, utilisé par voie aérienne au Canada de 1975 à 1985 a été responsable, dans 16 rivières du Nouveau-Brunswick, d’une forte mortalité de smolt, et d’une diminution des remontées des saumons atlantiques (salmo salar) et des aloses (alosa aestivalis) liée aux perturbations endocrinologiques engendrées.

Les organophosphorés et les carbamates (insecticides) ont été retrouvés dans l’eau des lacs située en amont des systèmes d’irrigation, entraînent une surmortalité et des perturbations de nombreux poissons, notamment des Carpes communes (Cyprinus carpio) (13-15).

De nombreux pesticides (propiconazole, carbofuran,  chlorfenvinphos,  Diazinon, pyrethroides, methidation,  atrazine, diuron) ont été retrouvés dans les rivières Nord-Américaines et sont nocifs pour la survie et la reproduction des poissons (16-19).

Il a été retrouvé des résidus d’organophosphorés  et d’organochlorés dans les Ombles Arctiques du Groenland, surtout dans le Sud du pays (20). Les tissus de la perche (perca fluviatilis) du bassin de la Baltique contiennent de nombreux pesticides issus de l’agriculture des pays de l’Est (21).

Des organochlorés ont été retrouvés dans les tissus des poissons de la cote Nord de la Norvège (22) tandis que le toxaphène (encore lui) est retrouvé également dans les tissus de mammifères marins, de l’ours polaire (23) et des saumons de la baltique (24) alors que les pays de la zone arctique n’ont jamais utilisé cette molécule. Plus récemment, lors de la conférence de l’Année polaire internationale 2012 (API 2012, 22-27 Avril 2012, Montréal, Canada) (25), réunissant plus de 2 000 scientifiques spécialistes de l’Arctique et de l’Antarctique, le signal d’alarme a encore été tiré devant les derniers résultats toxicologiques montrant une accumulation inquiétante du nombre de polluants dans l’Arctique.

La contamination dans le Grand Nord, de l’ours polaire, Beluga, phoques, cétacés et des populations Inuits, paradoxalement très importante, s’explique par le jeu des flux marins et atmosphériques qui convergent vers les pôles. Les Inuits auraient dans leur sang de 20 à 50 fois plus de Polluants Organiques Persistants (POP) que les Occidentaux. La hausse des intoxications au mercure est en grande partie favorisée par le réchauffement climatique, favorisant la fonte des glaces et du pergélisol, stimulant la prolifération bactérienne et la transformation du mercure en méthylmercure, forme organique la plus toxique du métal,  contaminant l’ensemble de la chaîne alimentaire, du phytoplancton, aux poissons, phoques, ours polaires et population humaine. Le cocktail mercure-POP est présent de façon constante dans le lait maternel des femmes Inuits (25).

Enfin, selon le Massachusetts Institute of Technology (MIT), de nouveaux polluants ont été mis en évidence dans les animaux des zones polaires, notamment de nouveaux pesticides, les PBDE, servant d’ignifugeants dans certaines industries et le PFOA, entrant dans la composition de produits industriels et domestiques comme revêtement imperméable (25).

 

6) Présence dans les denrées alimentaires :

En France, c’est la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui s’occupe d’effectuer les analyses de résidus de pesticides des aliments.

En 2004, la DGCCRF a analysé près de 4 600 échantillons de fruits, légumes, céréales et produits transformés mis sur le marché français (72,4 % d’origine française, 14,6 % de l’Union européenne, 13 % de pays tiers). Selon les résultats, 25,5 % des échantillons de fruits, légumes, céréales et produits transformés analysés contiennent plus de 2 résidus, mais cependant à des teneurs inférieures aux limites maximales de résidus (LMR). La présence de plusieurs résidus (jusqu’à 4) concerne plus particulièrement les salades, mais aussi les agrumes, les pommes et les fraises.

Les fruits et légumes : 52,4 % des échantillons ne contiennent pas de résidus. Des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR) ont été détectées pour 43,8 % des échantillons. 96,2% des fruits et légumes analysés respectent donc la réglementation. Les LMR ont été dépassées dans 3,8 % des cas.

Les céréales. 49,1 % des échantillons ne contiennent pas de résidus. Des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR) ont été détectées pour 48,5 % des échantillons. 97,6 % des céréales analysées respectent donc la réglementation. Les LMR ont été dépassées dans 2,4 % des cas.

Les jus dorange. 65 échantillons de jus d’oranges ont été analysés. 59 échantillons ne présentaient aucun résidu de pesticides. Pour 6 échantillons, des teneurs en résidus de thiabendazole et imazalil ont été détectées en deçà des LMR.

Les produits destinés à lalimentation infantile. 37 échantillons ont été analysés : 7 matières premières, 5 boissons et jus, 25 purées de fruits et de légumes. Aucun échantillon ne présentait de résidus de pesticides.

Selon un rapport publié pour la première fois par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en juillet 2009, sur les 27 États membres de l'UE et 2 États de l'AELE (Norvège et Islande) qui ont signé l'accord sur l'Espace économique européen, 45 % des céréales, fruits et légumes analysés en 2007 contenaient des produits phytosanitaires (26). L'analyse des 74.305 échantillons issus de près de 350 types d'aliments différents a permis de détecter 374 pesticides différents dans ces aliments, dont 72 dans les seules céréales. 25 % des échantillons contenaient en outre plusieurs molécules. Au total, 4% des échantillons analysés en 2007 dépassent les limites maximales de résidus de pesticides dans les aliments dans l'UE. Affichant près du double, la France est une nouvelle fois le mauvais élève.

En France, en 2007, ce sont 7,6 % des échantillons qui dépassaient les LMR contre 6 % l'année précédente. Pour les céréales, l'EFSA indique que 8,16% des céréales analysées en France dépassaient ces LMR en 2007 (contre 1,37% pour l'UE) ! Ce sont en 2007, 52,1% des fruits et légumes analysés en France qui contenaient des résidus de pesticides (45% en 2006) et 52,5% des céréales. Le même rapport de la DGCCRF montrait que la proportion des dépassements de LMR dus à des usages interdits de pesticides était passée de 19,8% en 2006 à près 39% en 2007. De même, si le pourcentage de fruits, légumes ou céréales contenant plusieurs résidus à la fois a légèrement diminué dans l'UE, en France le nombre d'échantillons contenant plusieurs résidus a fortement augmenté de 25,8% en 2006 à 32,75 % en 2007. 

Concernant les résultats du plan de surveillance des fruits et légumes (3 430 échantillons) de l’année 2008, 43,8 % des échantillons contenaient des résidus. 4 % des fruits et légumes analysés ne respectaient pas la réglementation (dépassement de la Limite Maximale en Résidus).

Parmi les fruits, 59 % des échantillons contiennent des résidus de pesticides et en moyenne 3,9 % sont non conformes. Les dépassements concernent essentiellement les raisins de table, les poires, les cerises, les pommes et les kiwis. À l’inverse, les oranges, les fraises, les avocats et les bananes ont un taux de dépassement de la LMR inférieur à la moyenne des dépassements (en ne considérant que les fruits pour lesquels le nombre d’échantillons analysés est représentatif).

Quant aux légumes, près de 30% contiennent des résidus de pesticides et en moyenne 4,1 % des légumes présentent des dépassements de LMR. Les dépassements concernent essentiellement les poivrons et piments, les céleris branches, les navets, le persil, les laitues et les épinards. À l’inverse, les concombres, les tomates et les pommes de terre ont un taux de dépassement de la LMR inférieur à la moyenne des dépassements (en ne considérant que les légumes pour lesquels le nombre d’échantillons analysés est représentatif).

Les céréales et les produits céréaliers présentent 2,6 % de non conformités sur 352 échantillons. 1,5 % de non conformités ont été constatés sur les produits transformés.

 

7) Pesticides et animaux :

La majorité des pesticides sont retrouvés dans les tissus vivants de très nombreuses espèces animales. De faibles concentrations de 22 organochlorés différents ont été retrouvées dans les tissus osseux, hépatiques et rénaux des loups du Yukon (27). Un total de 17 substances toxiques différentes (chlordane, DDT, PCB, toxaphène, aldrine, dieldrine, lendrine…) a été mis en évidence dans les tissus des visons des plaines côtières de Géorgie, Caroline du Nord et du Sud dont les populations sont en déclin par rapports aux populations des montagnes dont les tissus ne contiennent aucun polluant. Bien que ces produits soient connus pour leur action toxique sur la reproduction et la croissance chez les mammifères, aucun lien de causalité n’a pas être établi (28). De même pour la réduction drastique du nombre de hérons de la baie Delaware en Floride, recevant de nombreux déchets industriels, agricoles et domestiques. Des organochlorés ont été retrouvés dans les tissus et les embryons de ces animaux (29). De nombreuses autres espèces animales présentent des teneurs inquiétantes de divers pesticides : carbofuran chez les passereaux (30), DDT, dieldrin, HCH, endosulfan, eldrin chez les singes, oiseaux, crocodiles et poissons d’Afrique . . . (31, 32). Ces intoxications demeurent constantes, et à des taux similaires de nos jours (33-35).

Ces produits phytosanitaires sont eux-mêmes toxiques pour les animaux. La littérature abonde dans le domaine. Nous ne fournirons que quelques exemples. Les pesticides organochlorés ont des effets variés et documentés (36) sur les fonctions endocrines, la fertilité, le développement embryonnaire et le système immunitaire des mammifères et des oiseaux. Ainsi, le parathion est toxique in utero chez la souris et le poulet,  entraînant 15% de décès in utero dès la dose de 0,5 mg/ml (37).

Les pesticides favorisent chez les chats des troubles endocriniens à type d’hyperthyroidie (38). Les organochlorés (PCB, PCDD, PCDF) entraînent un déficit immunitaire chez les phoques, favorisant les épidémies virales responsables de mortalités massives chez ces animaux. Les altérations immunitaires peuvent être observées dans d'autres espèces animales (39). Les organophosphorés, produits inhibiteurs des acétylcholinestérases présentent une neurotoxicité prouvée chez l’animal. Récemment Speed et col ont montré qu’une exposition chronique à faible dose par ce pesticide chez la souris était responsable d’une diminution significative des transmissions synaptiques, notamment de l’hippocampe (40).

           

8) Présence dans lair :

Le transfert des pesticides dans l’air est variable (de 25 à 75 %) selon la nature du produit, les modes d’utilisation, la nature des sols, la climatologie. Le transfert dans l’atmosphère peut survenir au moment du traitement : par dérive (transport par le vent) ou par évaporation des gouttelettes, ou bien après traitement, par volatilisation depuis la surface d’application ou par érosion éolienne.

Il n’existe pas de réglementation spécifique sur la surveillance des pesticides dans l’air. Mais, dès l’année 2000, quelques associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ont mis en place des campagnes spécifiques de mesure dans ce domaine. Compte tenu de l’absence de norme, un groupe de travail sur la surveillance de la qualité de l’air a été mise en place récemment. Il n’existe pas, à ce jour, d’étude qui soit une référence dans ce domaine.

Seule une partie de la quantité de pesticides épandus par la voie aérienne atteint réellement la cible visée (mauvaise herbe, insecte ravageur, champignon, etc). Le reste du produit – 30 % à 99,7 % selon les produits, les méthodes… – diffuse dans les différents compartiments de l’environnement : eau, air, sol (41).

Ceci a amené le Ministère de la Santé et l’Institut de Veille Sanitaire a analysé les teneurs mesurées dans l’air ambiant de pesticides dans quatre sites de l’Hérault. Les résultats montrent un nombre peu élevé de molécules dans l’air, i peut être lié à des conditions météorologiques favorables au moment de l’enquête. Quatre molécules ont été détectées hors période de traitement et quatre autres pendant la période de traitement, le lindane étant le dénominateur commun. Si la détection du chlorpyriphos éthyl et du flusilazole dans l’air a pu être mise en relation avec leur épandage, ce n’est pas le cas du folpel et de la procymidone, deux fongicides utilisés en viticulture retrouvés hors période de traitement, et en zone urbaine et semi-rurale. Ce rapport préconise de recommander l’utilisation de techniques minimisant la dispersion des particules ou leur remise en suspension dans l’air.

Le problème des pesticides constitue l’une des principales questions environnementales, au cœur du débat sociétal actuel. L’ensemble de notre environnement semble contaminé, à des teneurs variables selon les produits et les zones géographiques. Dans certaines régions, les femmes enceintes et les nouveaux nés sont particulièrement exposés (42). Il est cependant probable qu’un bon nombre de ces produits, aient des répercussions délétères chez l’être humain. D’après le rapport de référence de l’INRA sur les pesticides, « des effets cancérigènes, neurotoxiques ou de type perturbateurs endocriniens des pesticides ont été mis en évidence chez lanimal. La question des risques pour lhomme (applicateurs de pesticides et leurs familles, ruraux non agricoles exposés, consommateurs) est donc posée. Elle fait lobjet de vives controverses, mais elle est inscrite comme une priorité dans tous les rapports et les plans santé environnement, qui demandent des études épidémiologiques sur ce point. ». Ceci a été confirmé avec les différents débats du Grenelle de l’environnement, qui ont largement porté sur les pesticides et leurs problématiques.

           

REFERENCES :

  1. Rapport d’Information sur les Pesticides par la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire (2009), Présenté par le député, Mr Alain Gest, N ° 1702, à l’Assemblée Nationale le 02 juin 2009
  2. Les pesticides dans les eaux : collecte et traitement des données- Etudes et travaux n°19 / Ifen 1998.
  3. L’environnement en France /Ifen-Paris : la Découverte, 1998.
  4. Charlier CJ, Pontieux GJ.  Influence des résidus de pesticides sur la santé de l’homme. Acta Clinica Belgica 1999 ; Suppl 1 : 44-49.
  5. Pesticides et potabilisation des eaux de surface en Bretagne : Evaluation de la situation actuelle et analyse prospective. Décembre 1994 – ENSP-Saunier - Eau et Environnement.
  6. Rapport du ministère de la Santé – par Balloy G, Herault S, Israel R, Robin A, Saout C, Tracol R. Observatoire des résidus de pesticides sur la période 2001-2003. Juillet 2005. (http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr)
  7. Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail. Plan interministériel de la réduction des risques liés aux pesticides 2006-2009. 2006.
  8. Kolpin DW, Thurman EM, Linhart SM: Finding minimal herbicide concentrations in ground water ? try looking for their degradates. Sci Total Environ 2000 ; 248 : 115-22.
  9. Burchats CS, Ripley BD, Leishman PD, Ritcey GM, Kakuda Y, Stephenson GR. The distribution of nine pesticides between the juice and pulpe of carrots and tomatoes after home processing. Food Addit Contam 1998; 15 : 61-71
  10. Molinari GP, Fontana G, Carrara G. Evaluation of herbicide migration from water to gorgonzolla and mozarella cheeses in industrial processing. Food Addit Contam 1995; 12 : 195-201.
  11. Shim WJ  Oh JR, Kahng SH, Shim JH, Lee SH. Accumulation of tributyl- and triphenyltin compounds in Pacific oyster, Crassostrea gigas, from the Chinhae Bay system, Korea. Arch Environ Contam Toxicol 1998; 35 : 41-47.
  12. Fairchild WL Swansburg EO, Arsenault JT, Brown SB. Does an association between pesticide use and subsequent declines in catch of atlantic salmon (Salmo Salar) represent a case of endocrine disruption ? Environ Health Perspect 1999; 107 : 349-58.
  13. Gruber SJ, Munn MD: Organophosphate and carbamate insecticides in agricultural waters ans cholinesterase (ChE) inhibition in common carp (Cyprinus Carpio) Arch Environ Contam Toxicol  1998; 35 : 391-96.
  14. Dembele K, Haubruge E, Gaspar C. Concentrations of selected insecticides on brain acetylcholinesterase in the common carp (Cyprinus Carpio L.) Ecotoxicol Environ Saf. 2000 ; 45 : 49-54.
  15. Simon LM, László K, Kotormán M, Vértesi A, Bagi K, Nemcsók J. Effects of synthetic pyrethroids and methidation on activities of some digestive enzymes in carp (Cyprinus Carpio L.) J Environ Sci Health 1999; 34 : 819-28.
  16. Egaas E, Sandvik M, Fjeld E, Källqvist T, Goksøyr A, Svensen A. Some effects of the fungicide propiconazole on cytochrome P450 and glutathione S-transferase in brown trout (salmo trutta) Comp Biochem Physiol C pharmacol Toxicol Endocrinol 1999; 122 : 3337-44.
  17. Schreier TM, Dawson VK, Choi Y, Spanjers NJ, Boogaard MA. Determination of niclosamide residues in rainbow trout (Oncorrhynchus mykiss) and channel catfish (Ictalarus punctatus) fillet tissue by high perfomance liquid  chromatography. J Agric Food Chem 2000; 48 : 2212-5.
  18. Saglio P, Trijasse S. Behavioral responses to atrazine and diuron in goldfish. Arch Environ Contam Toxicol 1998; 35 : 484-91.
  19. Mac Carthy LH, Stephens GR, Whittle DM, Peddle J, Harbicht S, LaFontaine C, Gregor DJ. Baseline studies in the slave river, NWT, 1990-1994 : Part II. Body burden contaminants in whole fish tissue and liver. Sci Total Environ 1997 ; 197 (1-3) : 55-86.
  20. Cleemann M, Riget F, Paulsen GB, de Boer J, Klungsøyr J, Aastrup P. Organochlorines in Greenland lake sediments and landlocked Artic char (salvellinus alpinus). Sci Total Environ 2000 ; 245 (1-3) : 173-85.
  21. Olsson A, Vitinsh M, Plikshs M, Bergman A. Halogenated environnemental contaminants in perch (Perca Fluviatilis) from Latvian coastal areas. Sci Total Environ 1999; 239 (1-3) : 19-30.
  22. Berg V, Polder A, Skaare JU. Organochlorines in deep-sea fish from the Nordfjord. Chemosphere. 1999; 38 : 275-82.
  23. Foreid S, Rundberget T, Severinsen T, Wiig O, Skaare JU. Determination of toxaphene in fish and marine mammals. Chemosphere 2000; 41 : 521-8.
  24. Atuma SS, Bergh A, Nilsson I, Aune M. Toxaphene levels in salmon (salmo salar) from the Baltic Sea. Chemosphere 2000 ; 41 : 517-20.
  25. Conférence de l’Année polaire internationale 2012 : API 2012, 22-27 Avril 2012, Montréal, Canada.
  26. The 2009 European Union Report on Pesticide Residues in Food. EFSA Journal 2011; 9(11): 2430, (225 pp).
  27. Gamberg M, Braune BM. Contaminant residues levels in artic wolves (canis lupus) from the Yukon territory, Canada. Sci Total Environ 1999 ; 243-244: 329 –38.
  28. Osowski SL, Brewer LW, Baker OE, Cobb GP. The decline of mink in Georgia, North Carolina, and South Carolina : the role of contaminants. Arch Environ Contam Toxicol 1995 ; 29 : 418-23.
  29. Ratnner BA, Hoffman DJ, Melancon MJ, Olsen GH, Schmidt SR, Parsons KC.. Organochlorines and metal contaminant exposure and effects in hatching black-crowned heron in delaware bay ; Arch Environ Contam Toxicol 2000 ; 39 : 38-45.
  30. Augspurger T. Smith MR, Meteyer CU, Converse KA. Mortality of passerines adjacent to a north carolina corn field treated with granular carbofuran. J Widl Dis 1996; 32 : 113-36.
  31. Wiktelius S, Edwards CA. Organochlorine insecticides residues in african Fauna : 1971-1995. Rev Environ Contam Toxicol  1997 ; 151 : 1-37.
  32. Fourie N, Basson AT, Basson KM, Ferreira GC, van den Berg H, Smith JC, Labuschagne L. Poisoning of wildlife in South Africa. J S Afr Vet Assoc 1996 ; 67 : 74-6.
  33. DeClementi C, Sobczak BR. Common rodenticide toxicoses in small animals. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2012 ; 42: 349-60.
  34. Anyusheva M, Lamers M, La N, Nguyen VV, Streck T. Fate of pesticides in combined paddy rice-fish pond farming systems in northern Vietnam. J Environ Qual. 2012 Mar-Apr;41(2):515-25.
  35. Plhalova L, Haluzova I, Macova S, Dolezelova P, Praskova E, Marsalek P, Skoric M, Svobodova Z, Pistekova V, Bedanova I. Effects of subchronic exposure to simazine on zebrafish (Danio rerio). Neuro Endocrinol Lett. 2011; 32 Suppl 1: 89-94.
  36. Guilette LJ Jr. Organochlorine pesticides as endocrine disruptors in wildlife. Cent Eur Public Health 2000 ; 8 suppl. : 34-5.
  37. Rojas M, Bustos-Obregón E, Martínez-García F, Contreras H, Regadera J. The effect of parathion on mouse testicular and epididymal development cultured in chicken allantochorion. Adv Exp Med Biol 1998 ; 444 : 201-6.
  38. Martin KM, Rossing MA, Ryland LM, Digiacomo RF, Freitag WA. Evaluation of dietary and environnemental risk factors for hyperthuroidism in cats. J Am Vet Med Assoc 2000 ; 217 : 853-56.
  39. Nakamura R, Kimura Y, Matsuoka H, Hachisuka A, Nakamura R, Nakamura A, Shibutani M, Teshima R.Effects of transplacental and trans-breast milk exposure to the organophosphate compound chlorpyrifos on the developing immune system of mice. Kokuritsu Iyakuhin Shokuhin Eisei Kenkyusho Hokoku. 2011; (129): 105-10.
  40. Speed HE, Blaiss CA, Kim A, Haws ME, Melvin NR, Jennings M, Eisch AJ, Powell CM. Delayed reduction of hippocampal synaptic transmission and spines following exposure to repeated subclinical doses of organophosphorus pesticide in adult mice. Toxicol Sci. 2012 ; 125: 196-208.
  41. Évaluation de l’exposition aérienne aux pesticides de la population générale Étude en air extérieur dans quatre sites de l’Hérault en 2006. Rapport du Ministère de la Santé et de l’Institut de Veille Sanitaire Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, Mars 2009, 54 p. Disponible sur : www.invs.sante.fr
  42. 42.  Choi S, Kim HJ, Kim S, Choi G, Kim S, Park J, Shim SS, Lee I, Kim S, Moon HB, Choi K, Lee JJ, Kim SY. Current status of organochlorine pesticides (OCPs) and polychlorinated biphenyls (PCBs) exposure among mothers and their babies of Korea-CHECK cohort study. Sci Total Environ. 2017 Nov 6. pii: S0048-9697 (17) 31949-6.