Rôle du sucre et de l’oxydation du MIF (macrophage migration inhibitory factor) dans le développement de la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par une dégénérescence progressive des neurones cérébraux aboutissant à une altération sévère des fonctions cognitives. La nature neurodégénérative de la maladie d’Alzheimer se traduit par des lésions histopathologiques caractéristiques qui associent les plaques séniles « PS » et les dégénérescences neurofibrillaires « DNF ». Une troisième lésion caractéristique est l’atrophie corticale.
Les plaques séniles sont liées à des dépôts extracellulaires de substance amyloïde de forme sphérique. La substance amyloïde est constituée de filaments d’une protéine appelée bêta-amyloïde « peptide b-A4 ou Ab » et dont la conformation en feuillets b lui confère son caractère insoluble et probablement, sa toxicité. La substance amyloïde va tuer progressivement les neurones et en particulier ceux impliqués dans les fonctions intellectuelles « mémoire, lecture, écriture, langage, reconnaissance visuelle ».
Les dégénérescences neurofibrillaires « DNF » débutent vraisemblablement dans la région hippocampique qui est la zone pivot impliquée dans le gestion de la mémoire. Les DNF sont des écheveaux de filaments anormaux constitués notamment d’une forme hyperphosphorylée de la protéine tau, à l’intérieur des neurones, dont l’accumulation est toxique.
Enfin, l’atrophie corticale joue également un rôle dans la maladie d’Alzheimer. Chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer, le cerveau peut perdre 8 à 10 % de son poids tous les dix ans alors que chez des sujets sains cette perte n’est que de 2 %. L’atrophie corticale s’accompagne d’une perte neuronale affectant particulièrement le système cholinergique incluant les amygdales et l’hippocampe.
Plusieurs maladies métaboliques chroniques sont associées à la survenue d’une maladie d’Alzheimer, notamment hyperglycémie et diabète, troubles de la glycation et stress oxydant. L’hyperglycémie et les troubles glucidiques constituent un facteur de risque connu de maladie d’Alzheimer.
Une équipe de l’Université de Bath (Londres, Angleterre) a étudié le rôle de l’hyperglycémie et de la glycation des protéines sur le cerveau humain, et dans le développement de la maladie d’Alzheimer.
Les protéines glyquées, appelées aussi produits de glycation avancée ou AGE (Advanced Glycosylation End products), ont un rôle important dans le déterminisme des lésions cellulaires et tissulaires du diabète et du vieillissement.
Les auteurs ont analysé par une nouvelle technique d’électrophorèse [fluorescent phenylboronate gel electrophoresis (Flu-PAGE)], les produits de glycation dans le cerveau de patients décédés, atteints de maladie d’Alzheimer sévère (Stades V ou VI de la classification de Braak) (N = 10), modérée (Stades III ou IV de la classification de Braak) (N = 10) et de patients décédés d’autre causes, sans maladie d’Alzheimer associée (Stades inférieurs à III de la classification de Braak) (N = 10).
Les principales protéines glyquées analysées étaient la serum albumine, la protéine acide fibrillaire gliale (Glial fibrillary acidic protein ou GFAP), la Glutathione transferase, la chaîne β de l’Hémoglobine, et le MIF (Macrophage migration inhibitory factor), protéines glyquées impliquées dans la littérature dans le développement de la maladie d’Alzheimer.
Les résultats montrent qu’il existe dans le tissu cérébral des patients atteints de maladie d’Alzheimer, notamment sévère, une accumulation significative de protéines glyquées, par rapport aux formes modérées et surtout aux sujets non Alzheimer. Cette différence était d’autant plus significative, avec la protéine MIF, cytokine majeure de l’immunité et l’inflammation. MIF joue notamment un rôle essentiel dans l’inhibition de la migration des macrophages, la stimulation des lymphocytes T et la régulation de la synthèse d’insuline. Dans le cerveau des patients Alzheimer, il existe une glycation et une oxydation très importante de la cytokine MIF. Ces modifications sont responsables d’une inhibition de l’activité de MIF et notamment de sa capacité à stimuler les cellules gliales (cellules nécessaires au soutien et la protection du tissu nerveux).
Ainsi, nous comprenons mieux le lien existant entre hyperglycémie ou diabète, perturbations du système immunitaire inné et risque de développement de maladies neurodégénératives.
REFERENCE : Kassaar, O. Morais MP, Xu S, Adam EL, Chamberlain RC, Jenkins B et al. Macrophage Migration Inhibitory Factor is subjected to glucose modification and oxidation in Alzheimer’s Disease. Sci. Rep. 7, 42874; doi: 10.1038/srep42874 (2017).
Par le Docteur Christophe de JAEGER